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Kersten passa dix jours dans son domaine sur lequel l’été, depuis l’aube jusqu’au crépuscule, étalait sa magnificence. Une paix merveilleuse régnait, le long des ruisselets, au cœur des bois, dans les chambres fraîches. Les trois garçons jouaient au soleil. Les herbes, les branches craquaient de chaleur ou bruissaient sous les brises nocturnes.
Pendant ce temps, Himmler, Kaltenbrunner et leur meute sillonnaient toute l’Allemagne dans une chasse à l’homme sans merci. Des conspirateurs avaient osé attenter à la vie du Führer. Innocents et coupables payaient par centaines ce crime de lèse-majesté, ce sacrilège. Les tortionnaires faisaient éclater les os et les membres. Les bourreaux suppliciaient par la potence et la hache. On vit des officiers en uniforme pendus dans les boucheries, la gorge prise aux crocs faits pour les quartiers de viande.
Kersten, par toute la puissance de concentration intérieure que lui avait enseignée le docteur Kô, refusait de laisser son esprit ouvert à ces images. Il devait profiter du repos, du répit qui lui étaient accordés. Bientôt, il aurait besoin de toutes ses forces pour reprendre Himmler en main, pour le persuader à nouveau de libérer les prisonniers des camps de mort, Himmler, rendu à sa fidélité fanatique par l’attentat contre Hitler, éperonné par la peur et la rage démentes de son maître qui voulait voir fumer partout le sang des sacrifices.
Himmler qui chassait l’homme, avec, pour compagnon, pour allié, pour double dans la torture et l’assassinat, l’ennemi majeur, déchaîné : Kaltenbrunner.